Kanojo Wa Dare Demo

2Le terme ‘pronom indéterminé’ (en anglais, ‘indeterminate pronoun’) est une appellation adoptée par Kuroda (1965). La linguistique traditionnelle japonaise parle de futei-go ‘mot indéterminé’ — « fu est un marqueur de négation et tei signifie ‘décider, fixer’« (Blin 1994 : 63) alors que go veut dire ‘mot’.

4Si la particule ka est attachée à dare ou nani, on obtient un effet de quantification existentielle (« indéfini positif » selon Chang & Labrune 1994) : nani-ka en [1a] et dare-ka en [3]a sont traduisibles par ‘quelque chose’ en [1]b et par ‘quelqu’un’ en [3]b. D’autre part, la combinaison à distance du pronom et de ka produit une question partielle : les associations nani… ka en [2]a et dare… ka en [4a] correspondent aux pronoms interrogatifs qui en [2]b et quoi en [4]b.

6Je me propose tout d’abord de montrer que nani-ka et dare-ka donnent lieu à des emplois autres que pronominaux (par ex. adverbial) et à deux expressions dérivées (une particule de focus et une particule de discours). Afin de relier entre eux ces différents emplois, j’aurai recours à la notion de grammaticalisation, définie par Meillet (1958 : 131) comme « le passage d’un mot autonome au rôle d’élément grammatical » entraînant la contraction phonologique, l’intégration morphologique, la réanalyse (la restructuration) syntaxique, et / ou l’extention sémantique. Je chercherai ensuite à relier l’une à l’autre la combinaison adjacente dare-ka (cf.[3]a) et la combinaison à distance dare…ka (cf. [4]a), que je proposerai de rapprocher, respectivement, du pronom indéfini complexe je ne sais qui (cf. [5a]), et de la séquence je ne sais pas qui (cf [5]b), qui introduit une question enchâssée :

[5]a

Je ne sais qui a acheté un livre.

(pronom indéfini complexe)

[5]b

Je ne sais pas qui a acheté un livre.

(question enchâssée)

7Dans ce qui suit, je présenterai d’abord certains travaux antérieurs pertinents pour la discussion (§ 2). J’aborderai ensuite les emplois non nominaux de nani-ka et dare-ka, et discuterai de manière critique l’hypothèse de Mikami (1972) selon laquelle l’emploi premier est adverbial, en examinant l’emploi dérivé de nani-ka (particule de focus) (§ 3). Puis, je proposerai pour dare-ka et nani-ka une structure interne complexe analogue à une question enchâssée, et tenterai de rendre compte de leur divers emplois en termes de grammaticalisation pour mieux comprendre la notion d’indéfinitude (§ 4). La section 5 récapitulera les résultats.

8Dans cette section, je présenterai d’abord la liste des interprétations possibles de dare-ka et nani-ka, proposée par Haspelmath (1997) (§ 2.1). J’envisagerai ensuite une observation de Nishigauchi (1990), qui montre que la position de la particule ka permet de leur enlever toute ambiguïté (§ 2.2). J’aborderai enfin certains travaux qui tentent de préciser la fonction essentielle de ka (§ 2.3).

2.1. Trois interprétations de dare-ka et nani-ka

9Selon Nihon-kokugo-daijiten (Grand dictionnaire de la langue japonaise 2003 : 209), nani-ka sert

  1. à dénoter une entité ou un événement qui ne sont pas clairement identifiés, mais qui existent réellement,

  2. à éviter de donner l’identité précise d’une entité ou d’un événement qui existent réellement, ou

  3. à dénoter une entité ou un événement qui ne sont que susceptibles d’exister. Ces trois emplois sont également constatés pour dare-ka.

10Haspelmath (1997) reformule cette description tri-partite dans les termes suivants :

  1. indéfini spécifique inconnu du locuteur (specific unknown to the speaker) (désormais : -FAM, càd, ‘non familier au locuteur’), illustré par [6]a ;

  2. indéfini spécifique connu du locuteur (specific known to the speaker) (désormais : +FAM), comme en [6]b ;

  3. indéfini non spécifique, cas observé dans une phrase à modalité irréelle comme [6]c ou incluant un adverbe quantificationnel (ex. toujours) comme [6]d :

[6]a

dare-ka

QUI-KA

kara

Abl

denwa

téléphone

at- ta kedo,

il y a- Pas mais

dare-kara-da- ka wakara-nai.

Qui-Abl-Cop-KA savoir-Neg

‘Il y a un appel de quelqu’un, mais je ne sais pas de qui’

(Haspelmath 1997 : 314)

[6]b

dare-ka

QUI-KA

kara

Abl

denwa

téléphone

at- ta kedo,

il y a-Pas mais

dare-kara-da- ka

QUI-Abl-Cop-KA

ate- tegoran.

deviner-Impératif

‘Il y a un appel de quelqu’un, et devine de qui !’ (ibid.)

[6]c

dare-ka

Qui-KA

ni

Dat demander-

kii-

tenter-

temimas-yoo.

je vais

(ibid.)

‘Je vais questionner quelqu’un.’

[6]d

itumo

Toujours

dare-ka kara

QUI-KA Abl

denwa-

téléphone-

ga aru.

Nom il y a

‘Il y a toujours un appel de quelqu’un’

11La relation entre ces trois interprétations est schématisée par l’échelle d’indéfinitude en [7] : plus on est à gauche sur l’échelle, plus on a un référent individualisé et saillant pour le locuteur.

[7]

échelle d’indéfinitude

spécifique connu →

[6]b [+FAM]

spécifique inconnu →

[6]a [-FAM]

non-spécifique

[6]c,d

2.2. Position de ka par rapport à la marque casuelle

[8]a

dare-ka

QUI-KA

-kara

-Abl

henna

bizarre

tegami-ga

lettre-Nom

todoi- ta

arriver-Pas

(spécifique ±FAM)

‘J’ai reçu une lettre bizarre de quelqu’un.’ (Nishigauchi 1990 : 121)

[8]b

dare

Qui-

kara-

Abl-

ka

KA

henna

bizarre

tegami-ga

lettre-Nom

todoi-ta.

arriver-Pas

(ibid.)

(spécifique +FAM)

‘J’ai reçu une lettre bizarre de je ne sais qui.’

[traduction de Nishigauchi : ‘A strange letter came from God knows who.’]

2.3. Principales fonctions de la particule ka

14La particule ka sert également à marquer la disjonction, comme en [9]a,b. Kuroda (1965), Tamba-Mecz (1984), Okutsu (1996), entre autres, mettent en relief la relation étroite entre le ka d’interrogation et le ka de disjonction : selon Tamba-Mecz, « ces deux particules spécifient que la relation sur laquellle elles portent n’est qu’une possibilité parmi d’autres » (p. 227). Kuroda préconise, en outre, d’une part un rapprochement entre le ka de disjonction propositionnelle comme en [9]b et le ka d’interrogation comme en [1]b, et d’autre part un rapprochement entre le ka de disjonction nominale comme en [9]a et le ka d’indéfinitude comme en [1]a. Okutsu (1996) cite en effet l’exemple [9]c où dare-ka est précédé de SN disjoints comme en [9]c :

[9]a

John-ka

John-KA

Bill-ka-ga

Bill-KA-Nom

hon-o

livre-Acc

kat-

acheter-

ta.

Pas

(Kuroda 1965 : 85)

‘C’est soit John, soit Bill qui a acheté un livre.’ (disjonction nominale)

[9]b

John-ga

John-Nom

hon- o

livre-Acc

kat-

acheter-

ta-

Pas-

ka

KA

Bill-ga

Bill-Nom

hon- o

livre-Acc

kat-

acheter-

ta-

Pas-

ka

KA-

desu

Cop

‘C’est soit John qui a acheté un livre, soit Bill qui a acheté un livre.’ (idem. 86) (disjonction propositionnelle)

[9]c

watasi-ka

moi- KA

anata-ka

toi-KA

soretomo kare-ka,

ou bien lui-KA,

dareka

QUI-KA

wa

Top

rusubansi-

surveiller la maison-

nakutewanaranai.

devoir

‘Quelqu’un comme moi, toi, ou bien lui doit surveiller la maison.’ (disjonction nominale)

(Okutsu 1996 : 159)

15D’autre part, observant que l’indéfinitude correspond à la quantification existentielle qui se réduit logiquement à la disjonction généralisée (i.e.ⴹxP(x) =P(a)ⴸP(b) ⴸP(c) ⴸ…) mais que typologiquement, une forme identique marque rarement à la fois la disjonction et l’indéfinitude, Haspelmath (1997 : 164-169) suggère que la relation entre ces deux fonctions n’est qu’une « coïncidence » et avance l’hypothèse qu’elles sont diachroniquement dérivées d’une même source.

16En ce qui concerne la relation entre le ka d’interrogation et le ka d’indéfinitude, la plupart des travaux antérieurs s’accordent à les distinguer, quoique Nishigauchi (1990) suggère l’existence d’un cas intermédiaire (voir la note 9). Parmi ceux qui cherchent une explication unifiée, Hagstrom (1998 : 25-26) attire l’attention sur le fait que dans les questions partielles de l’ancien japonais, dare ou nani et ka sont directement attachés, cependant que le prédicat verbal prend une forme spéciale : en ancien japonais, le prédicat prend normalement la forme conclusive en proposition principale, tandis qu’en proposition relative ou nominalisée, le prédicat prend une forme appelée ‘adnominale’, comme en [10]a :

17Dans la linguistique traditionnelle japonaise, cette corrélation entre la particule (appelée kakari) et une forme particulière de conjugaison (appelée musubi) est appelée kakari-musubi (corrélat-conclusion). En japonais moderne, la distinction entre formes adnominale et conclusive est neutralisée et les phénomènes de kakari-musubi ont disparu. Corrélativement, pour préciser qu’il s’agit d’une question, le ka est attaché au prédicat, comme le schématise [10]b.

19Dans cette section, je présenterai d’abord l’hypothèse de Mikami (1972) selon laquelle dare-ka et nani-ka sont essentiellement de nature non-nominale et que leur emploi nominal résulte de la réanalyse syntaxique (§ 3.1). Je discuterai ensuite cette hypothèse de manière critique, en examinant la distribution de la particule de focus nanka (§ 3.2).

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3.1. dare-ka et nani-ka en position non argumentale

20Mikami (1972), Kamio (1973) (entre autres) observent des comportements parallèles entre dare-ka / nani-ka et la suite <NUMERAL+CLASSIFICATEUR> : en [11]a, dare-ka se situe à l’extérieur du sujet (souligné) marqué pour le nominatif et peut être analysé comme adverbial ; en l’absence du SN, dare-ka peut être ou ne pas être marqué pour le nominatif, comme en [11]b,c. Les mêmes distributions s’observent avec la suite futa-ri ‘deux-CL’ (en gras), en [12]a,b,c :

[11]a

otokonoko-ga

garçon-

sokoni

Nom là-bas

dare-ka

QUI-KA

imase-n-ka ?

être-Neg-Q

(Kamio 1973 : 83)

‘Lit. Il n’est pas vrai que garçon est là-bas dare-ka ?’

‘Il n’y a pas de garçon (quelconque) là-bas ?’

[11]b

dare-ka

QUI-KA

sokoni

là-bas

imase-n-ka ?

être-Neg-Q

(sans nominatif)

‘Il n’y a pas quelqu’un (non-spécifique) là-bas ?’

[11]c

dare-ka-ga

QUI-KA-Nom

sokoni

là-bas

imase-n-ka ?

être-Neg-Q

(avec nominatif)

i) Il n’y a pas quelqu’un (non-spécifique) là-bas ?

ii) Il n’y a pas l’un d’entre eux là-bas ?’

[12]a

otokonoko-ga

garçon- Nom

sokoni

là-bas

futa-ri

deux-CL

imase-n-ka ?

être-Neg-Q

‘Lit. Il n’est pas vrai que garçonN omest là-bas deux personnes ?’

‘Il n’y a pas deux garçons (quelconques) là-bas ?’

[12]b

futa-ri

deux-CL

sokoni

là-bas

imase-n-ka ?

être-Neg-Q

(sans nominatif)

’Il n’y a pas deux personnes (quelconques) là-bas ?’

[12]c

futa-ri-ga

QUI-KA-Nom

sokoni

là-bas

imase-n-ka ?

être-Neg-Q

(avec nominatif)

i) ‘*Il n’y a pas deux personnes (quelconques) là-bas ?’

ii) ‘Les deux personnes ne sont pas là-bas.’

21Mikami soutient par ailleurs que dare-ka et futa-ri ont les mêmes propriétés interprétatives ;

4. la suite futa-ri est interprétée comme définie avec une marque casuelle en [12]c, et comme indéfinie non spécifique dans une position adverbiale en [12]a. Si le cas est absent en [12]b, la lecture définie est difficile à obtenir ;

22Les parallélismes formel et interprétatif que Mikami suggère entre les suites <Num-CL> et <dare-ka> sont récapitulés en [13] sous forme d’échelle d’indéfinitude. Cet auteur suggère en outre que dans les deux cas, un élément syntaxiquement détaché [adverbial ou adjoint] est de plus en plus intégré dans la structure argumentale : <NUM-CL> et <dare-ka> qui sont à l’origine de nature adverbiale acquerraient un statut nominal grâce au marquage casuel en passant par l’étape où la suite <SN+CAS> est omise. La direction de la réanalyse syntaxique est signalée en [13] par les flèches :

[13] Réanalyses uni-directionnelles de Mikami (1972)

défini indéfini spécifique +FAM spécifique -FAM non spécifique

Num-CLnominal+Cas

Num-CL

← SN+Cas…Num-CLadverbe

[12]c

[12]b

[12]a

dare-kanominal+Cas

dare-ka

← SN+Cas…dare-kaadverbe

[11]c

[11]b]

[11]a

23L’hypothèse de Mikami soulève toutefois au moins deux problèmes. D’abord, comme le fait remarquer Kawaguchi (1982 : 184) et comme l’indique le tableau [13], le parallélisme interprétatif n’est pas complet : la séquence <Num-CL+CAS> s’interprète obligatoirement comme définie, tandis que la suite <dare-ka+Cas> ne permet jamais cette interprétation.

24En second lieu, comme le note Mikami (1972) lui-même, les suites dare-ka et <NUM+CL> peuvent précéder <SN+Cas> comme en [14]a,b. Kamio (1973) met toutefois en évidence que dare-ka prénominal comme en [14a] manifeste une distribution syntaxique analogue à celle de la suite <NUM+CL+GEN>comme en [14]c plutôt qu’à celle de la suite <NUM+CL> pré-nominale sans génitif comme en [14]b :

[14]a

dare-ka otokonoko-ga sokoni imase-n-ka ?

QUI-KA garçon-Nom là-bas être-Neg-Q

(Kamio 1973 : 83)

‘Il n’y a pas de garçon [quelconque] là-bas ? ’

[14]b

futa-ri otokonoko-ga sokoni imase-n-ka ?

deux-CL garçon-Nom là-bas être-Neg-Q

‘Il n’y a pas deux garçons là-bas ?’

[14]c

futa-ri-no otokonoko-ga sokoni imase-n-ka ?

deux-CL-Gen garçon-Nom là-bas être-Neg-Q

‘Il n’y a pas deux garçons là-bas ?’

25D’abord, la séquence <dare-ka+SN> peut être coordonnée avec un autre SN comme en [15]a. Une telle coordination est possible pour <Num-CL- Gen+SN> comme en [15]b, et non pour <Num-CL+SN> en [15]c :

[15]a

(ano onnanoko-

(cette fille

to dare-ka

et QUI-KA

otokonoko)-ga

garçon)- Nom

inakunat-

disparaître-

ta-

Pas-

sooda.

on dit

(ibid.)

‘On dit que cette fille et je ne sais quel garçon ont disparu.’

[15]b

(ano onnanoko-

(cette fille

to

et

futa-ri-no

deux-CL-

otokonoko)-ga

Gen garçon)-Nom

inakunat-

disparaître-

ta-

Pas-

sooda.

on dit

‘On dit que cette fille et deux garçons ont disparu.’

[15]c

*(ano onnanoko-

(cette fille

to

et

futa-ri

deux-CL

otokonoko)-ga

garçon)-Nom

inakunat-

disparaître-

ta-

Pas-

sooda.

on dit

26Deuxièmement, <SN-Cas+dare-ka> connaît une restriction de cas : cette séquence n’est possible qu’au nominatif comme en [11]a ou à l’accusatif. Ainsi, la séquence <dare-ka+SN-Abl]> est parfaitement acceptable en [16]a, tandis que <SN-Abl+dare-ka> n’est pas acceptée en [16]b :

[16]a

dare-ka

QUI-KA

gakusee-kara

étudiant-Abl

dengon- ga

message-Nom

aru-yoodesu.

être-sembler

(idem. 84)

‘Il semble y avoir un message de je ne sais quel étudiant.’

[16]b

*gakusee-kara

étudiant-Abl

dare-ka

QUI-KA

dengon-ga

message-Nom

aru-yoo-desu.

être-sembler

(ibid.)

27<Num-CL-Gen+SN-Abl> est possible comme en [17]a, tandis que <Num- CL+SN-Abl> n’est pas acceptable comme en [17]b non plus que <SN- Abl+Num-CL> comme en [17]c :

[17]a

futa- ri- no

deux-CL Gen

gakusee-kara

étudiant-Abl

tegami- ga

lettre-Nom

todoi-ta.

arriver-Pas

(idem. 79)

‘J’ai reçu des lettres de deux étudiant.’

[17]b

*futa- ri

deux-CL

gakusee-kara

étudiant-Abl

tegami- ga

lettre-Nom

todoi-ta.

arriver-Pas

[17]c

*gakusee-kara

étudiant-Abl

futa- ri

deux-CL

tegami- ga

lettre-Nom

todoi- ta.

arriver-Pas

29Dans la prochaine section, je présenterai d’autres faits qui jettent un doute sur l’hypothèse de Mikami selon laquelle nani-ka est, à l’origine, adverbial.

3.2. La particule de focus nanka

31Les particules de focus sont illustrées en français par des expressions comme aussi et seul (cf. [18]a,b). Le focus est ici défini, suivant Rooth (1996), comme mettant en oeuvre un ou des termes contrasté(s) avec le focus, appelé(s) ‘Alternative Set’ en anglais. La fonction sémantique des particules de focus est d’introduire ce(s) terme(s) contrasté(s) en spécifiant la relation qui unit le focus et ses termes contrastés au reste de la proposition ; la particule additive aussi en [18]a asserte que le focus Jean est venu, alors que la particule exclusive seul en [18]b le présuppose. En outre, aussi présuppose l’existence d’(au moins) un terme contrasté qui est venu, tandis que seul en asserte l’absence :

[18]a

Jean aussi est venu.

[18]b

Seul Jean est venu

32La particule nanka est placée à droite du focus et permet au moins les deux emplois illustrés en [19] : en [19]a, elle indique que le focus Taro incarne un exemple parmi ceux qui sont venus (emploi d’exemplification) ; en [19]b, elle sert à renforcer le jugement négatif du locuteur concernant l’existence d’un animal sans odeur (emploi d’évaluation négative) :

[19]a

(exemplification)

Taro

Taro

nanka -ga

NANKA Nom

yattteki-ta.

venir-Pas

‘Taro, entre autres / notamment, est venu.’

[19]b

(évaluation négative)

nioi- no

odeur-Gen

nai

Neg

seebutu

animal

nanka

NANKA

aru-

exister-

hazuganai-

ne.devrait.pas

n-

Comp-

da ga.

Cop mais

‘Une chose telle qu’un animal sans odeur, ça ne devrait pas exister.’ (Teramura 1991 : 188)

33La fonction de la particule nanka sera mieux comprise en la comparant avec the like en anglais, illustré en [20]a,b :

[20]a

[exemplification]

Taro and the like came.

‘Taro et compagnie sont venus.’

[20]b

[évaluation négative]

There shouldn’t exist the like of an animal without smell.

‘Une chose telle qu’un animal sans odeur, ça ne devrait pas exister.’

35Martin (1987) fait remarquer que les deux emplois de la particule nanka sont également exprimés par le nanka précédé, comme the like en [20]a, de la marque conjonctive ya, soulignée en [21]a,b. Étant donné que la conjonction met en relation des expressions de même catégorie syntaxique, nanka est analysé comme un SN en [21]a,b. Cet emploi de nanka est proche des cas où nani-ka ou dare-ka est précédé d’un SN , illustrés en [22]a,b :

[21]a

Taro

Taro

ya

et

nanka– ga

NANKA- Nom

yattteki-ta.

venir-Pas

‘Taro et son compagnie sont venus.’

[21]b

nioi- no

odeur-Gen

nai

Neg

seebutu

animal

ya

et

nanka

NANKA

aru-

exister-

hazuganai-

ne devrait.pas

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n-

Comp-

da

Cop

ga.

mais

‘Une chose telle qu’un animal sans odeur, ça ne devrait pas exister.’

[22]a

ninjin

carotte

ya

et

tamanegi

oignon

ya

et

nani-ka-

QUOI-KA-

o

Acc

irete…

mettre…

(adapté d’Okutsu 1996 : 162)

‘On y met quelque chose comme de la carotte, ou de l’oignon.’

[22]b

watasi-ka

moi- KA

anata-ka

toi-KA

soretomo

ou bien

kare-ka,

lui-KA,

dare-ka

QUI-KA

wa

Top

rusubansi-

surveiller la maison-

nakutewanaranai.

devoir

‘Quelqu’un comme moi, toi, ou bien lui, doit surveiller la maison.’ ( =[9]c)

[22]c

dare-ka

QUI-KA

ga

Nom

rusubansi-

surveiller la maison-

nakutewanaranai.

devoir

‘Quelqu’un doit surveiller la maison.’ ( =[9c])

36Les constructions telles que [22]a,b sont soigneusement étudiées par Okutsu (1996). Selon cet auteur, l’emploi d’un pronom indéfini présuppose souvent, comme dans l’interprétation partitive d’un indéfini, un ensemble de candidats contextuellement restreints, ce qui est analogue à l’ensemble des termes contrastés mis en oeuvre par le focus. Par exemple, dare-ka en [22c] sélectionne quelqu’un parmi ceux qui peuvent surveiller la maison en question à un moment donné.

[23]a

{ carotte, oignon,…}

nani-ka [V]

= {carotteV oignonV…}

(pour [22]a)

[23]b

{ moi, toi, lui,…}

dare-ka [V]

= {moiVtoiVluiV…}

(pour [22]b)

38La restriction contextuelle des candidats présupposés peut aussi être effectuée intensionnellement comme en [24]a. Dans ce cas, dare-ka ou nani-ka peut occuper la position prénominale à l’intérieur du SN (voir la discussion de § 3.1), comme en [24]b :

[24]a

gakusee-no

étudiants-Gen

dareka-ga

QUI-KA-Nom

ki- ta.

venir-Pas

‘quelqu’un qui est étudiant est venu.’

[24]b

dare-ka

QUI-KA

gakusee-ga

étudiant-Nom

ki- ta.

venir-Pas

‘Un étudiant est venu.’

39En [24]a, dare-ka est marqué pour le cas et peut donc être analysé comme le SN noyau, tandis qu’en [24]b, c’est le SN gakusee ‘étudiant’ qui est marqué casuellement et peut être analysé comme le SN noyau, auquel dare-ka est apposé. Compte tenu de cette observation, Okutsu suggère que dans le SN complexe (ex. tamanegi ya nani-ka quelque chose comme de l’oignon) formé de la partie dénotant partiellement l’ensemble des candidats présupposés (ex. tamanegi ya) et du pronom indéfini (ex. nani-ka), chacune des deux parties peut a priori être analysée soit comme le SN noyau, soit comme le SN apposé.

40L’analyse syntaxique comme un SN appposé est plus évidente lorsque nani-ka est morphologiquement contracté et sémantiquement sous-spécifié pour pouvoir être combiné avec Taro-ya ‘Taro et’ dont le trait est (+humain), comme en [21]a. De ce point de vue, la particule de focus nanka est une forme plus grammaticalisée du SN apposé nanka, comme cela est schématisé en [25]a,b :

[25]

SN noyau ou apposé

SN apposé

particule

[25]a

tamanegi ya nanika →

oignon et QUOI-KA

tamanegi ya nanka →

oignon et NANKA

tamanegi nanka

oignon NANKA

‘quelque chose comme de l’oignon’ ‘de l’oignon, entre autres,’

[25]b

Taro ya Ziro ya dare-ka →

Taro et Ziro et QUI-KA

Taro ya {nanka/*dare-ka} →

Taro {nanka /*dare-ka}

Taro {NANKA /QUI-KA}

‘quelqu’un comme Taro et Ziro’ ‘Taro, entre autres’

41Envisageons maintenant les deux emplois de la particule nanka dans l’optique de la distinction entre indéfini spécifique et non spécifique :

6. Taro [ya] nanka (exemplification) indique qu’un individu contrasté avec Taro est effectivement venu bien qu’on ne sache pas si le locuteur est à même de l’identifier (indéfini spécifique) ;

42La particule nanka, qui est à l’origine un SN apposé, donne par ailleurs naissance à un emploi dérivé ; elle peut non seulement signaler la focalisation d’un SN comme en [26]a, mais aussi une suite adverbiale <SN+CAS (ABLATIF)> comme en [26]b. Martin (1987) et Teramura (1991), entre autres, observent que la séquence <SN+nanka+ABL>, comme en [26]a, reste ambiguë entre exemplification et évaluation négative, tandis que la séquence <SN+ABL+nanka>, comme en [23]b, n’admet que la seconde lecture :

[26]a

Taro nanka-

Taro NANKA

kara

Abl

tegami-o

lettre-Acc

morawa-nakat-ta.

recevoir-Neg-Pas

[i] ‘Je n’ai pas reçu de lettre de Taro, entre autres.’

[ii] ‘Je n’ai pas reçu de lettre d’un type comme Taro !’

(exemplification)

(évaluation négative)

[26]b

Taro-kara

Taro-Abl

nanka

NANKA

tegami-o

lettre-Acc

morawa-nakat-ta.

recevoir-Neg-Pas

(adapté de Martin 1987 : 162]

[i] *‘Je n’ai pas reçu de lettre de Taro, entre autres.’

[ii] ‘Je n’ai pas reçu de lettre d’un type comme Taro !’

(exemplification)

(évaluation négative)

43Nominal apposé au début, la particule nanka qui suit la marque casuelle en [26]b obtient un statut adverbial. Le contraste entre [26]a et [26]b indique que l’adverbial nanka n’exprime que l’évaluation négative qui correspond, comme on l’a vu plus haut, à un item à polarité négative, et donc à l’indéfini non spécifique.

44Les correspondances formelle et interprétative de la particule de focus nanka sont récapitulées en [27] sous forme d’échelle d’indéfinitude :

[27]

réanalyse de la particule de focus nanka

indéfini spécifique

indéfini non spécifique

SN[-ya]-nankanominal apposé+Cas

[exemplification/évaluation négative]

[26]a

SN-Cas+nankaadverbe

[*exemplification/évaluation négative]

[26]b

45La distribution de la particule nanka rappelle celle du dare-ka d’indéfinitude récapitulée en [13], mais manifeste une différence importante : en [13], la réanalyse va de l’indéfini non-spécifique à l’indéfini spécifique, tandis que la direction est inversée en [27]. Dans la section 4, je montrerai que les optiques diachronique et typologique appuient l’analyse en [27].

46Dans cette section, j’exposerai d’abord, suivant les études diachroniques, l’hypothèse que dare-ka et nani-ka ont à l’origine une structure interne complexe analogue à celle d’une phrase interrogative enchâssée (§ 4.1). Je proposerai ensuite, dans une optique typologique, et contrairement à Mikami, l’hypothèse que dare-ka et nani-ka ont subi une grammaticalisation dans deux directions opposées (§ 4.2).

4.1. Optique diachronique

47La linguistique traditionnelle japonaise distingue couramment deux types d’interrogation :

toi ‘question’, qui consiste à demander à un interlocuteur de remplir une valeur [de vérité ou d’une variable] encore indéterminée ;

utagai ‘doute’, qui consiste à s’interroger de manière monologique en laissant en suspens la valeur de vérité ou la valeur d’une variable. Les deux types d’interrogation peuvent être respectivement paraphrasés en français par je vous demande Q et je me demande Q / je ne sais pas Q [où Q = question. Il est par ailleurs largement admis qu’en ancien japonais du VIIIème siècle, « [la particule] KA est spécialisée dans l’expression du doute, de l’incertitude, et (une autre particule) YA, dans celle d’une question, d’une demande » (Tamba- Mecz 1984 : 223) ; dans le japonais moderne, qui a perdu la particule ya, ka a étendu sa distribution pour pouvoir exprimer également la question. Mikami (1972) observe toutefois que même en japonais moderne, dans une situation nécessairement dialogique, par exemple quand on exige d’un interlocuteur qu’il donne son identité, on recourt plus naturellement à la forme sans ka, comme en [28]a, qu’à la forme avec ka, comme en [28]b :

[28]

[Le locuteur découvre un inconnu dans son appartement]

[28]a

dare-da ?

QUI-Cop

‘Qui êtes-vous ?’

[28]b

#dare-ka ?

QUI-KA

# ‘Je me demande qui vous êtes.’

48Sakakura (1960) fait de plus remarquer que le caractère de doute subsiste plus fortement dans le ka d’indéfinitude que dans le ka d’interrogation, et cite un exemple du XIXè me siècle, où la copule s’intercale entre le pronom indéterminé dare et la particule ka :

[29]

kii-

entendre-

ta

Pas-

yoona

semble-

na

nom-

da

Cop

ga,

Adversatif,

dare-de-

QUI-Cop-

ka

KA

at-

Cop-

ta.

Pas

« C’est un nom qu’il me semble avoir entendu prononcer, mais c’était celui de je ne sais qui [mais ce nom, je me demande à qui il était ]. » (Hizakurige, début XIXè me , cité par Sakakura 1960 : 87)

[30]a

((CP dare-ga

QUI-Nom

hon- o

livre-Acc

kat- ta)C

acheter- Pas

ka).

KA

( = [4]a)

[30]b

((CP[NP) dare-(da))- C ka)-

QUI-(Cop]- KA-

ga

Nom

hon- o

livre-Acc

kat-

acheter-

ta.

Pas

( = [3]a)

[31]a

Je me demande / Je ne sais pas (CP qui a acheté un livre).

[31]b

(CP[ NP] Je ne sais qui] a acheté un livre.

50Au terme de la grammaticalisation, de même que l’expression je ne sais qui en [31]b est réanalysée comme un SN, le CP <dare+COP+ka> en [30]b est réanalysé, avec l’omission de la partie correspondant à je ne sais, comme un SN où les deux composants dare et ka sont fortement intégrés. Corrélativement, le complémenteur d’interrogation (plus précisément de doute) ka, qui est externe au SN, est réanalysé comme un clitique interne au SN.

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51Deux faits viennent à l’appui du rapprochement entre dare-ka et la phrase interrogative indirecte. D’abord, Eguchi (1998) signale que la même restriction de cas s’impose à tous les deux : comme on l’a vu dans la § 3.1, le nominatif et l’accusatif sont omissible après dare-ka même dans un registre écrit formel, comme en [32]a, tandis que les autres marques casuelles, comme le datif en [32b], ne peuvent pas être omises. De même, avec la phrase interrogative indirecte, l’accusatif est omissible en [33]a, ce qui n’est pas le cas pour le datif en [33]b :

[32]a

dare-ka-(o) syootaisuru.

QUI-KA-Acc inviter

‘On invite quelqu’un’

[32]b

dare-ka-*(ni]) denwasuru.

QUI-KA-Dat téléphoner

‘On téléphone à quelqu’un’

[33]a

(dare-o syootaisuru)-ka-(o) kimeru.

(QUI-Acc inviter) -KA- (Acc)

‘On décide qui on invite’

[33]b

(dare-o syootaisuru)-ka *(ni) kaisya-

(QUI-Acc inviter)-KA-[Acc] entreprise-

no mirai-ga kakatteiru.

Gen futur-Nom dépendre

‘Le futur de l’entreprise dépend {de qui on invite}.’

52Eguchi observe, en outre, que cette restriction de cas disparaît lorsque dare-ka et la phrase interrogative indirecte sont suivis d’un SN, comme en [34] et [35] :

[34]

dare-ka

QUI-KA

tomodati

ami-

ni

Dat

denwasuru.

téléphoner

‘On téléphone à un ami quelconque’

[35]

(dare-ni

(QUI-Dat

ikura

combien

kane– o

argent-Acc

watasu)

passer)

ka

-KA

seejikenkin-

contribution financière-

no

Gen

sikata-

façon-

ni

Dat

kaisya-

entreprise-

no

Gen

mirai-ga

futur-Nom

kakatteiru.

dépendre

[Eguchi 1998 : 9]

‘Le futur de l’entreprise dépend du monde de contribution financière, à savoir, à qui on donne de l’argent et combien’

53Ensuite, en japonais contemporain, il est possible de faire suivre dare-ka de l’expression sira, comme l’illustre [36]a. Selon Nihon-kokugo-daijiten (2003 : 622), cette expression est une forme elliptique de sira-n ‘je ne sais pas’. Il est raisonnable de supposer que la partie sira est omise dans la plupart des cas au cours de la grammaticalisation. Qui plus est, sira peut aussi être utilisé dans les phrases interrogatives, notamment par les femmes, avec une nuance de modestie, suggérant qu’il s’agit d’un doute plutôt que d’une vraie question, comme en [36]b :

[36]a

koko-de-wa

Ici- Loc-Top

itumo

toujours

dare-ka-

QUI-KA-

sira-

je ne sais pas-

ga

Nom

doko-ka-

OÙ-KA

sira-

je ne sais pas-

o

Acc

sooji-

ménage-

si-

faire-

teiru-no

Prog-Comp-

da.

Cop

(K. Ekuni, Garakuta)

(i) ‘Ici, je ne sais qui fait toujours du ménage je ne sais où.’

(ii) ‘Ici, quelqu’un fait toujours du ménage quelque part.’

[36]b

dare- ka

QUI-KA-

ko-nai

venir-Neg

ka

KA-

sira

je ne sais pas

(Y. Kawabata, cité par Nihon-kokugo-daijiten)

‘Je me demande si quelqu’un ne viendra pas.’

[37]a

{nan- da- ka

{QUOI-Cop-KA /

nani- ka

QUOI-KA

sira}

je ne sais pas}

sowasowato

distrait

otituka-

se sentir à l’aise-

nakat-ta.

Neg-Pas

‘Je ne sais pas si c’est bien dit, mais je me sentais distrait et mal à l’aise.’ (légèrement modifié d’Okutsu 1996 : 164)

[37]b

nanka

QUOI-KA

nihon-no

Japon-Gen

mawari-wa

autour-Top

kowai

dangereux

kuni

pays

darake da

plein-Cop-

na.

je crois

‘Je ne sais pas si c’est bien dit, mais le Japon est entouré de nombreux pays dangereux, je crois’ (20 / 8 / 2006 Journal Asahi)

4.2. Optique typologique

55L’hypothèse d’une stucture interne complexe est confirmée par l’approche typologique. Haspelmath (1997) rapporte que dans beaucoup de langues, les pronoms indéfinis sont dérivés d’une structure propositionnelle, et cite quatre principales sources :

  1. type dunno [qui est une transcription de la prononciation familière de l’anglais don’t know), cf. français je ne sais qui / quoi ;

  2. type want / please, comme cualquiera en espagnol (quiera est la forme subjonctive de querer ‘vouloir’] ;

  3. type it may be, cf. français qui / quoi que ce soit ;

  4. type no matter, cf. français n’importe qui / quoi.

58Cette restriction est aussi confirmée empiriquement par le pronom indéfini peu grammaticalisé je ne sais quoi en français. Comme le précise Lefeuvre (2006 : 164), « je ne sais quoi spécifique […] sollicite l’ignorance du locuteur ». Ainsi, en [38]a, bien que placé dans la subordonnée d’un prédicat principal de modalité irréelle, il faut croire, ce pronom indéfini dénote quelque chose qui existe réellement et n’est donc pas interprété sous sa portée comme non spécifique. L’interprétation spécifique +FAM n’est pas permise non plus, comme le montre [38]b :

[38]a

Il faut croire que l’amour, la passion, la tendresse, je ne sais quoi encore, se font leur chemin tout seuls (Lefeuvre 2006 : 163).

[38]b

J’ai acheté {quelque chose / #je ne sais quoi}. Devine quoi ! (idem.164).

59Dans cette optique, l’indéfini spécifique -FAM doit être l’interprétation de base des dare-ka et nani-ka, et l’indéfini spécifique +FAM ainsi que l’indéfini non spécifique, des interprétations dérivées. L’indéfini spécifique +FAM et l’indéfini non spécifique sont typiquement incarnés respectivement par l’emploi pronominal suivi d’une marque casuelle et par l’emploi adverbial. Il s’ensuit que ces deux emplois sont des expressions grammaticalisées dans deux directions opposées, comme le montre [39], ce qui contredit la thèse de la réanalyse unidirectionnelle de Mikami. La distribution de la particule nanka vient confirmer que l’extension sémantique se dirige de la lecture spécifique vers la lecture non spécifique :

[39]

Réanalyses du dare-ka d’indéfinitude et de la particule de focus nanka

spécifique +FAM spécifique -FAM

non spécifique

[dare-ka]pronom-Cas

[11c]

dare-ka

[11b]

[dare-ka] nominal apposé

[14a]

SN→SN-Cas..[dare-ka]adverbe

[11a]

[SN-ya nankanominal apposé]-Cas→

[21a

[SN nankaparticule]-Cas→

[26a]

SN-Cas+nankafocus adverbial

[26b]

60Dans cette étude, après avoir passé en revue les principaux travaux sur les expressions indéfinies du japonais, j’ai d’abord examiné les propriétés interprétatives de dare-ka et nani-ka dans divers environnements. J’ai ensuite proposé de modifier l’hypothèse de Mikami selon laquelle l’emploi pronominal est dérivé à partir de l’emploi adverbial, en intégrant à la description les propriétés de la particule de focus nanka. J’ai enfin proposé l’hypothèse que dare-ka et nani-ka ont à l’origine une structure interne complexe analogue à celle d’une question enchâssée et suivent diverses voies de grammaticalisation, représentées en [40] par les flèches verticales et horizontales :

[40]

[II] (je ne sais pas)+[nani+(Cop)+ka]particule de discours

[I] (je ne sais pas) [CP nani+Cop+ka]

[IV]

[nani-ka] pronom-Cas←[III] [SN

nani-ka]

[V][nani-kaSN apposé + SN]-Cas

[VI] SN-Cas…nani-kaadverbe

[VII]

[SN-ya+nani-kaSN apposé] – Cas

[VIII] [SN+nankaparticule de focus ] -Cas

[IX] SN-Cas+nanka particule adverbiale

61• Le CP nani/dare+copule+ka (cf. [29]) en [I] est grammaticalisé

  • soit comme la particule de discours nani-ka (cf. [37]a,b) en [II],

  • soit comme le SN nani-ka/dare-ka sans marquage casuel qui permet l’indéfini spécifique -FAM (cf. [11]b), en [III].

62• Le SN nani-ka/dare-ka en [III] est à son tour grammaticalisé

  • soit comme un pronom qui permet l’indéfini spécifique +FAM, lorsqu’il est suivi d’une marque casuelle (cf. [11]c), en [IV],

  • soit comme un SN apposé lorsqu’il précède <SN-cas> (cf. [14]a), en [V],

  • soit comme un SN apposé lorsqu’il suit <SN-ya> (cf. [21a]), en [VII].

63• Le SN apposé en [V] est grammaticalisé comme un adverbe lorsqu’il est détaché de <SN-CAS> (cf. [11]a), en [VI].

64• Le SN apposé en [VII] est grammaticalisé, avec l’omission de ya et au terme d’une contraction phonologique et d’une extension sémantique, sous la forme de la particule de focus nanka (cf. [26]a, en [VIII],

65• La particule de focus nanka en [VIII] est de plus grammaticalisée comme un adverbe lorsqu’il est précédé de <SN-CAS> (cf. [26]b), en [IX].

66Les ‘pronoms indéfinis’ japonais révèlent ainsi, par leurs diverses voies de grammaticalisation, les relations étroites qu’entretient l’indéfinitude avec l’interrogation et la disjonction ainsi qu’avec la focalisation (entraînant des effets sémantiques tels que l’exemplification, ou l’évaluation négative).